25 mars 2007

Paul dans sa vie

Qu'a-t-il écrit dans son agenda à la journée du 7 septembre, jour de notre passage ? Probablement qu'il faisait beau, qu'une brise soufflait nord-est, que quatre personnes de plus sont passées le matin. Qu'ensuite une journaliste et un photographe sont venus de Paris. Il tient la comptabilité du succès, comme naguère il le faisait des récoltes et de la traite des vac ­ le patois de La Hague ne chuinte pas. Il empile des dizaines d'agenda dans des boîtes. C'est «le fourbi à Paul». Il y a même ajouté un bloc, orange en couverture, réservé aux nouvelles additions. Août : 373 visiteurs. Depuis le mois de mai, 836 personnes se sont arrêtées à Auderville, chez Paul Bedel.
C'est comme ça depuis le film. Drôle d'histoire, ce film de Rémi Mauger. Documentaire diffusé en deux parties sur France 3 Normandie, il prit du galon sur France 3 national, il est devenu un film de cinéma cette année. Le nombre de copies est en augmentation. Ça s'appelle Paul dans sa vie. «J'étais pas allé au cinéma depuis cinquante ans, j'y suis retourné pour voir ma tronche.»
Paul Bedel a 76 ans. Il n'a pas un, mais dix visages. Les sillons laissés par les années, les souvenirs, le travail aux champs, le rire et la peine le dessinent changeant. Ses deux yeux sont très bleus, son nez grand. Il est voûté aussi : «Je suis crochu, il y a une chanson comme ça sur les crochus de La Hague. Ici, quand on marche le vent dans le nez, on se baisse.» Nous avons marché avec lui. Au fil des pas, le mystère s'évapore. Pourquoi cet homme né sur le rebord de la France face aux îles Anglo-Normandes, paysan d'un autre temps vissé aux terres paternelles, vieilli seul avec ses deux soeurs, Marie-Jeanne et Françoise, déclenche-t-il des haltes obligatoires sur la route des vacanciers ? Que dit-il, depuis sa vie vouée à l'ouvrage, qui démange bien après le film, et le fait détrôner Tom Cruise dans les salles de Cherbourg et des environs ? Rien de grandiloquent. Aucune vérité. Il parle bien. Il ne flatte pas la nostalgie : «Je veux pas décourager les jeunes. Ils vont me dire : "T'es complètement con." Quand on est jeune, les vieux c'est loin.» Il ne se plaint pas, il est là où il est, sans se demander s'il est heureux. «On se posait pas la question. C'est qu'on était bien.» Il est juste devenu le porte-parole de lui-même.
Paul dans son costume du dimanche, vieil enfant de coeur qui n'aime pas les désaccords, vote oui à l'Europe de la paix, ressemble à n'importe quel paysan s'en allant à la messe. Mais, quand, de dessous sa casquette, il cherche «la bavette», il y a autre chose. C'est revenu avec le film. «J'ai l'impression que je me suis oublié. J'ai renoncé à ma vie personnelle. J'avais des projets avec une compagne et tout, mais j'ai repris les mains du père.» Mains sur la batteuse, modèle 1937, mains sur la charrue devant laquelle il mettra un tracteur à la place des chevaux, mains sur la faucheuse modèle 1945, le tout est rangé dans les vieilles fortifications allemandes un peu plus bas sur le chemin qui mène à la mer.
L'océan dessine après les champs la ligne d'horizon, parfois celle du départ. Il n'y est jamais allé, n'a jamais navigué : «C'est pas notre boulot.» Peut-être même qu'il ne sait pas nager. «Le père était malade depuis sept ans, il souffrait tellement, je lui ai dit : "J'abandonne mes projets, je continue." Il est mort, six mois plus tard. Ma vie a basculé, j'ai renoncé, j'ai pris sa place. Le film a tout remis sur le tapis. J'ai les larmes. Mais ce serait à recommencer, je ferais pareil.» Il avait 29 ans, il était le deuxième des cinq enfants. Quelques photos anciennes en tenue de régiment racontent un regard fixé vers l'avenir sous des cheveux bruns épais, mais il ne pouvait pas laisser la mère, deux soeurs et un petit frère. L'aîné était parti aux PTT. Paul ne s'est jamais marié.
Il ne détaille pas ce que furent ses projets, «c'est un petit peu strictement personnel». Ils n'étaient pas forcément immenses, mais ils supposaient de glisser vers un monde changeant et bruyant qui n'est plus quadrillé par les champs, rythmé par l'heure solaire encore inscrite sur la montre de Paul. Le devoir, mais peut-être aussi la peur, a ramené Paul en arrière. Il n'aime pas ce mot-là. Quand la Cogema a construit la centrale nucléaire tout près, il dit n'avoir pas eu peur, mais souffert pour la terre. «Ils ont démoli les champs à tout jamais. En même temps, ça fait de l'ouvrage, c'est une vache à lait. Pour nous c'était une destruction de plus, comme en 40 quand les "touristes" sont arrivés.» En 1940, les touristes étaient allemands. Quand ils sont repartis, Paul avait 14 ans, il était un enfant faible qui tombait souvent dans les pommes. «J'étais un peu traumatisé, mais c'est un détail .»
Le président de la chambre d'agriculture a déclaré dans le journal : «Paul n'est pas un exemple à suivre et les soeurs de Paul sont tristes.» «Ça m'a blessé», dit Paul. Il ajoute : «Lui, il a 10 000 poulets !» Ça veut dire que c'est trop, c'est infini, sans repères, on n'y voit plus rien. Paul est monté jusqu'à 35 hectares et 35 bêtes à cornes. Il a vécu avec ses soeurs, de la vente de beurre, de crème et de viande. «Je ne me suis jamais rendu esclave du matériel, emprunter, acheter des monstres, non. Le père m'a toujours mis en garde : "Achète quand tu as un petit tas."» Il sait qu'on pourra le trouver folklorique. Il ne l'est pas, un chéquier tient lieu de bas de laine. Paul est un moment de poésie, comme il est des aires de repos sur les autoroutes. 836 personnes s'y sont arrêtées. C'est à deux pas de la tombe de Prévert. Un trou de verdure a enseveli les regrets d'un homme auquel il reste les mots.
Paul a pris sa retraite il y a trois ans et vendu les vaches. «Le père et la mère m'avaient confié leurs vaches, la même souche, la même descendance depuis des années. Moi, je les ai confiées à personne, je les ai balancées, j'aime pas ça.» Il a gardé deux champs pour la récolte. Il trouve la maison plus froide qu'avant. «On ne rentrait que le soir, maintenant on est toujours là.» Sa retraite est de 703,34 euros («Ça fait dans les 450 000, je suis encore vieux, ces messieurs dames sont à l'euro»), ses soeurs reçoivent 400 chacune. Il regrette de ne pas avoir fait de l'une d'elles la chef d'exploitation, car elles n'auront aucun droit après sa mort. La santé est plutôt bonne. «Je suis monté sur ressorts.» Il a de petits écarteurs dans les coronaires pour que le sang circule bien. «Si je rouille pas trop vite, ça ira.»
Agenda, 10 janvier 2006, il a écrit : «Tempête nord-est. Coupé la haie du jardin. Réception du courrier de la préfecture. Le récipient déborde.» Ça veut dire : la coupe est pleine. Depuis le film, la République insiste pour lui décerner le Mérite agricole. «Le ministre de l'Agriculture et tous ses descendants veulent me refiler leur camelote.» Il n'a jamais répondu. Page du 9 février : «Courrier de la préfecture. Paul ne mérite rien. Triste marée de 116. Ondée neige grêle eau. Nord-ouest.»
Paul a glissé à Rémi Mauger, qu'il tient au courant du nombre de ses visiteurs : «Je pensais que ma vie n'avait servi qu'à nous faire vivre.» Non. On n'oublie pas celui qui «s'est oublié». Allô, Paul Bedel ? Qu'avez-vous écrit à la journée du 7 septembre ? «Quatre personnes sont venues, deux déjà venues et reviendront. Plus une journaliste de Libération et un photographe. Continuer d'ouvrir la coupe du blé dans le clos Marquis. Vent de nord calme. Brise fraîche.»
Portrait de Paul Par Judith PERRIGNON paru sur Liberation.fr
vous savez quoi ? à votre place, j'irai rendre visite à Paul ici : www.pauldanssavie.com à moins que vous ne préferiez voir la bande annonce du film sur un site "cinéma" quoi qu'il en soit, l'authenticité de Paul Bedel ajoute une belle note humaine à la musique du pays sculpté par le vent

19 mars 2007

Voyage dans le temps



« La Hague est un endroit exceptionnel comme on en trouve peu à travers le monde »
Cette phrase d’Arnaud Guérin, géologue et photographe naturaliste a pris tout son relief hier après midi lors d’une balade dans le Sud de la baie d’Escalgrain. En effet, outre l’aspect grandiose de l’anse de Culeron où un sentiment de plongée dans le lointain passé de la terre vous envahit jusqu’au plus profond de votre être lorsque vous abordez cette crique qui se mérite après une descente délicate le long de la falaise, l’on se trouve en présence de traces de trois chaînes de montagne, celle du volcanisme, celle des glaciations…et soudain, votre regard se trouve irrésistiblement attiré par une roche feuilletée qui affleure un peu au Sud de l’éperon rocheux qui protège l’anse de la morsure des vents du Nord. Vous êtes en présence de gneiss icartien, la roche la plus vieille d’Europe et la paume de votre main caresse la pierre…il ne reste plus qu’à laisser courir votre imagination vers ces temps oubliés où la terre était agitée de soubresauts cataclysmiques, enfance turbulente pour notre planète entièrement livrée aux forces telluriques c’était il y a quelques 2,085 milliards d’années…

http://chroniphotos.blogspot.com

18 mars 2007

Il y a 40 ans...une journée Noire !


http://www.cedre.fr/fr/accident/torrey/torrey.html

Le 18 mars 1967, le pétrolier libérien Torrey Canyon, armé par une filiale américaine de l'Union Oil Company of California, chargé de 121 000 tonnes de brut, s'échoue entre les îles Sorlingues et la côte britannique. Malgré une mobilisation de tous les moyens de lutte disponibles, plusieurs nappes de pétrole dérivent en Manche, venant toucher les côtes britanniques et françaises.
L’Escorteur côtier L’ETOURDI, au retour d’une campagne très dure de surveillance des pêches en mer d’Irlande, dispersera de la craie sur les nappes.

16 mars 2007

solocéane

Solocéane !

Enfin ! La Normandie, région de tradition maritime, va avoir « sa » course océanique.
Pour faire bref : départ de Caen en octobre 2009 direction la Nouvelle Zélande – un mois pour se refaire une santé sur place pour les skippers des véolias monotype de 56 pieds dont le proto sera présenté le 30 juillet prochain à Caen lors du Figaro 2007.
Retour vers Cherbourg par le cap Horn, excusez du peu ! vous savez quoi ? Je suis particulièrement heureux ce matin de vivre dans le port du Nord Cotentin. Je vais pouvoir fusionner mes deux passions au début du printemps 2010 et d’ici là, fourbir mon D50 voire un futur D80 ou 200 si mes finances me le permettent et accueillir dignement les navigateurs hauturiers qui se donneront un mal de chien pour doubler le raz blanchard en tête.
Aujourd’hui J – 953

www.soloceans.com

12 mars 2007

A la surface...



Comment ne pas évoquer ce site, fruit du travail d’un passionné – Guy PAILLARD – un Franc Comtois qui a réalisé de superbes pages sur un navire disparu : l’Escorteur Côtier L’ETOURDI. Ce petit bâtiment de guerre, chef de la deuxième division des escorteurs côtiers basée à Brest, a abrité nos vies qui venaient de sortir de l’adolescence. Nous avions 20 ans à bord, voire moins et l’intensité de ces moments passés en mer est toujours présente quelque part dans nos mémoires, l’iconographie, les photos et autres diapositives du siècle passé – marqueurs d’un autre temps – semblent participer à cette remontée à la surface des souvenirs maritimes qui de toute façon étaient déjà, dans nos cœurs, frappés d’un sceau indélébile.
Longtemps j’ai vainement cherché trace de ce passé sur les quais de Brest avant d’apprendre que notre fier vaisseau « corsaire de l’océan » comme nous disions volontiers avait finalement servi de cible un sale jour de février 1978. Il repose en mer d’Iroise mais navigue toujours dans nos têtes et sur la toile avec son cortège de fantômes, frêles et éphémères silhouettes de jeunes marins qui jouaient avec générosité leur ardentes jeunesses

http://perso.orange.fr/Etourdi/pages/indexpag.html

« il y a trois sortes d’hommes, les morts, les vivants et ceux qui vont sur la mer »